Beaucoup de choses se passent du côté de la filière carnée. Les tendances sont croisées et les évolutions des habitudes de consommation s’expliquent par des phénomènes enchevêtrés.

Un Français consomme en moyenne 89 kg de viande chaque année (équivalent carcasse). C’est deux fois plus que nos grands-parents et quasiment trois fois plus que nos arrières grands-parents. Pourtant, et c’est un fait avéré, les Français (et les Européens) consomment moins de viande depuis la fin des années 1990 pour diverses raisons :

  • La tendance végane gagne du terrain
  • Les scandales à répétition dans les abattoirs et les crises sanitaires
  • La progression de la recherche scientifique sur la cancérogénicité de la viande rouge
  • La hausse des prix (+21% en 10 ans)
  • La prise de conscience quant aux conséquences de l’élevage industriel
  • Le développement de la philosophie antispéciste

Les pays riches consomment beaucoup de viande, mais de moins en moins. Dans les pays en voie de développement, on consomme peu de viande, mais de plus en plus (+46%). En cause notamment : une démographie plus dynamique, l’émergence d’une classe moyenne, l’urbanisation et le progrès de l’élevage industriel.

Pour répondre à une demande mondiale en constante hausse, ce sont 69 milliards d’animaux qui sont abattus chaque année (1 milliard en France). Plus globalement, la production mondiale de viande a quintuplé pendant la seconde moitié du 20e siècle. Elle passera de 309 milliards de tonnes en 2013 à environ 465 millions en 2050, principalement sous le coup de la croissance démographique.

Les conditions des élevages face à la folle course rentabiliste

Les partisans du bien-être animal et de l’antispécisme n’hésitent pas à parler de « concentré de souffrance » concernant la filière de la viande. Il faut dire que les animaux sont les premières victimes de notre gargantuesque appétit pour les produits carnés :

  • 83% des 800 millions de poulets de chair sont élevés sans accès à l’extérieur
  • 68% des 47 millions de poules pondeuses et 99% des 36 millions de lapins sont élevés en batterie de cages
  • 95% des 25 millions de cochons sont élevés sur caillebotis en bâtiments avec un taux de mortalité de 20% avant le jour de l’abattage

La volaille est un cas à part : la production mondiale a doublé en 10 ans, et la consommation française de volaille de chair progresse depuis 40 ans avec un pic à 1,8 millions de tonnes en 2015 (+1,7% par rapport à 2014). Cet engouement est surtout porté par l’appétit pour le canard et le poulet.

C’est d’ailleurs pour répondre à cette forte demande que les conditions d’élevage dans la filière avicole se détériorent, en dépit des directives européennes qui se dirigent vers l’interdiction des élevages en batterie à moyen terme.

Derrière la volaille, on retrouve les ovins avec une progression de la production de 20% en 12 ans, les bovins (+16%) puis les porcins (+14%). Le poids d’une bête à l’abattage a quasiment doublé aux Etats-Unis.

Il est ainsi passé de 67 kg à 100 kg pour un porc en fin de vie. Cette « obésité » est le plus souvent associée aux techniques génétiques d’amélioration du rendement des bêtes.

Face à ces contraintes rentabilistes, les locaux d’élevage sont en proie à la promiscuité, les espérances de vie toujours plus réduites, les conditions d’élevage de plus en plus insoutenables… La production intensive de porc que l’on observe par exemple à Trébrivan dans les côtes d’Armor illustre bien cette dynamique : une maternité de 883 truies fait naître chaque année environ 23 000 porcs.

A une échelle plus élevée, la Chine importe chaque année 100 millions de porcs et 10 millions de truies, ce qui catalyse d’autant plus la production dans les pays exportateurs même si leur marché intérieur adopte des habitudes alimentaires responsables.

Quel est le cout environnemental de la surconsommation carnée ?

Face à cette problématique, les consommateurs s’organisent et adoptent des comportements plus tranchés. Il faut dire que les actions de sensibilisation des ONG se multiplient avec une portée toujours plus importante. En plus des conditions des élevages, elles portent notamment sur le coût environnemental de la consommation carnée.

1 Consommation d’eau

La production d’un kilogramme de bœuf nécessite un peu plus de 15 500 litres d’eau, soit l’équivalent d’une petite piscine ‘irrigation des céréales et fourrage). Les autres élevages sont également gourmands en eau (4 900 litres pour un kilo de porc et 3 900 pour un kilo de poulet). Plus globalement, 8% de la consommation mondiale d’eau est destinée aux activités d’élevage. Pour comparer, sachez qu’un kilogramme de carottes nécessite moins de 130 litres d’eau.

2 Gaz à effet de serre

L’élevage joue dans la cour des grands quant à l’émission des gaz à effet de serre, accaparant ainsi 14,5% du total des émissions de CO2 avec près de 10% pour les bovins seulement. C’est quasiment autant que les transports. L’élevage intensif, c’est aussi 50% des émissions de méthane à l’échelle planétaire.

3 La déforestation

75% des terres agricoles mondiales sont destinées à nourrir les animaux (blé, maïs et soja OGM). Pourtant, les porcs, les bœufs, les poulets et les autres animaux ne fournissent que 8% des calories (et 18% des protéines) que nous consommons annuellement. Mieux : les cultures de soja responsable de 91% de la déforestation amazonienne sont destinées quasi-exclusivement aux élevages (96%). Au Brésil, l’agriculture est responsable de 70% de la déforestation.

4 La pollution environnementale

Les élevages intensifs industriels polluent l’eau à cause du nitrate et phosphore issus des épandages de fumier et de lisier. Les rejets de pesticides et d’engrais sont également particulièrement nocifs pour l’environnement.

Manger de la viande n’est pas franchement rentable

Au-delà des convictions personnelles et des choix alimentaires responsables, de nombreuses raisons peuvent motiver la réduction de notre consommation carnée. Contrairement à ce que soutiennent les meat-enthusiasts, seuls 5% des protéines ingurgitées par l’animal au cours de sa vie se retrouvent dans nos assiettes.

D’un autre côté, une consommation excessive de viandes rouges aggrave les risques de diabète et des maladies cardiovasculaires. L’OMS multiplie d’ailleurs les tests cliniques pour clarifier le potentiel cancérigène de la viande rouge. D’un autre côté, la consommation carnée entame notre capital immunitaire.

Pour prévenir la contamination bactérienne, les industriels injectent des antibiotiques puissants dans les animaux (plus de 13 000 tonnes d’antibiotiques ont été injectées au bétail américain en 2013, soit 80% de la consommation du pays). Ce gavage médicamenteux favorise le développement de souches bactériennes résistantes.

En 2014, 1 échantillon de poulet sur 4 contenait des bactéries de type eschérichia coli, dont 64% étaient des souches résistantes aux antibiotiques. La consommation carnée excessive se transforme donc aujourd’hui en un véritable problème de santé publique.

Comment réduire la viande ?

comment réduire la viande

Toutes les motivations sont bonnes pour revoir sa consommation : sauvegarder son capital santé, faire des économies, contribuer au bien-être animal, protéger l’environnement, style de vie… La prise de conscience des consommateurs s’accompagne, heureusement, du développement des plats basés sur les protéines végétales. Les restaurateurs disposent désormais d’alternatives végétales viables pour réinventer les plats incontournables.

Les épiceries spécialisées se multiplient et les prix ne sont plus aussi « surréalistes ». Les gourmands peuvent combler leurs envies en dégustant un « faux gras » ou un « bourguignon de seitan ». De gourmandises végétales comme les pâtisseries sans gluten Greenberry permettent des escapades sucrées sans renoncer à ses convictions.

Nos nouvelles sources de protéines s’appellent quinoa, lentille, spiruline (65% de protéines), soja, haricot azuki (25%), gaine de chanvre (26%) et de courge (25%), beurre de cacahuète, tempeh, tofu, son d’avoine, petit pois ou encore sarrasin. Rassurez-vous, il n’est pas forcément question de bannir la viande, mais bien de réduire sa consommation en s’offrant par exemple 2 repas carnés dans la semaine.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, un régime exclusivement basé sur les sources végétales de protéines n’est pas intrinsèquement déséquilibré. Il suffit de varier les plaisirs. Mieux : si les protéines peuvent être un problème dans le cadre d’une alimentation strictement végétale, c’est par leur… excès !