Tirant profit de l’essor de la chimie au début du 20e siècle, les médicaments de synthèse se sont progressivement démocratisés, partout dans le monde, pour faire régresser les maladies et augmenter la durée de vie.

L’invention de la pasteurisation, la découverte de l’insuline, des sulfamides, de la pénicilline, des antihistaminiques, des antituberculeux, des anticoagulants… sont autant d’évènements phares de l’Histoire moderne. Mais il y a une ombre au tableau : l’excès.

Dans son dernier Panorama santé, l’OCDE a étudié la dose moyenne pour 1 000 habitants dans quatre grandes catégories de médicaments. En voici une synthèse :

  • La France n’est pas le plus gros consommateur de médicaments en Europe. L’Hexagone est en effet dans la moyenne du continent
  • Les Allemands sont les premiers consommateurs des médicaments contre l’hypertension
  • Les Britanniques sont les premiers consommateurs de médicaments contre le cholestérol
  • La Finlande est en tête pour les médicaments contre le diabète
  • Les Islandais sont les premiers consommateurs d’antidépresseurs (deux fois plus que la France).

Si la France a longtemps fait partie du peloton de tête, elle a été dépassée… sans réduire sa consommation. Nos voisins sont en effet passés à la vitesse supérieure. En plus des conséquences que l’on imagine sur la santé (notamment à cause de l’automédication), il y a une autre retombée grave. Elle est d’ordre environnemental…

Comment nos médicaments se retrouvent-ils dans l’eau ?

L’année 1976 a marqué la première découverte de résidus médicamenteux à la sortie d’une station d’épuration de Kansas City aux Etats-Unis. Depuis, la science s’est employée à percer le mystère des agents chimiques indésirables retrouvés dans l’environnement à dose infinitésimale.

Aujourd’hui, on retrouve de faibles concentrations de résidus pharmaceutiques dans les milieux aquatiques, issus de médicaments destinés à la consommation humaine ou animale. L’origine de ces résidus est multiple :

  • Les molécules actives d’un médicament sont dégradées par les enzymes dans le foie pour être par la suite utilisées par le corps humain. Il arrive souvent qu’une partie de ces molécules soit directement excrétée dans les urines et les fèces, à cause notamment d’un dosage trop fort ou d’un moment de prise mal choisi. Ces rejets se retrouvent dans les eaux usées, et les stations d’épuration ne sont pas équipées pour traiter ces molécules. Après un passage en station, elles seront évacuées avec les eaux traitées vers le milieu naturel
  • Les rejets dans les urines ou les excréments des animaux d’élevage
  • Les rejets (accidentels ou volontaires) de médicaments non utilisés ou périmés : il arrive encore que des médicaments non utilisables soient jetés dans l’évier ou les toilettes plutôt que confiés aux pharmacies pour recyclage
  • Les rejets industriels des laboratoires pharmaceutiques ou des hôpitaux.

Une campagne nationale sur les résidus médicamenteux a vu le jour fin 2009. Depuis, de nombreuses analyses ont eu lieu chaque année pour identifier les molécules les plus présentes dans l’eau. Les résultats ne sont pas étonnants… mais ils restent inquiétants.

Trois types de molécules se détachent du lot. Il s’agit des :

  • Estroprogestatifs : cela s’explique par la forte proportion des femmes qui prennent la pilule en Occident
  • Tranquillisants : la France fait partie des plus gros consommateurs d’antidépresseurs au monde
  • Anti-cancéreux : le nombre de patients soignés à domicile pour les suites de leur cancer a significativement augmenté

On retrouve également de la Carbamazépine (un antiépileptique) et de l’Oxazépam (un anxiolytique).

Quels impacts sur la santé et l’environnement ?

Si le phénomène est inquiétant en apparence, il n’y pas lieu de s’alarmer… pour l’instant. En effet, l’eau destinée à la consommation humaine affiche une très faible concentration des molécules citées, que l’on compte en nano gramme par litre (soit 10-9 gramme) : c’est mille à un million de fois moins qu’une dose thérapeutique.

Faut-il pour autant fermer les yeux sur cette problématique ? Bien sûr que non. Les études scientifiques ne sont pas encore assez nombreuses pour aboutir à des conclusions définitives, mais la présence prolongée de ces molécules dans l’eau est une source majeure de préoccupation. Elles ne sont pas toutes « suffisamment » biodégradables, ce qui présage d’une toxicité sur le long terme.

Sur le plan de l’environnement, les retombées néfastes sont cette fois avérées. La faune et la flore aquatiques sont logiquement les premières à souffrir. Les résidus des estroprogestatifs sont des perturbateurs endocriniens qui altèrent des fonctions importantes comme la croissance, le développement et la fonction sexuelle.

On remarque par exemple une féminisation des caractères sexuels de certaines espèces animales et végétales. On pourrait légitimement s’interroger sur la probabilité que ces effets atteignent un jour l’Homme… Si aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de déterminer avec exactitude les effets de ces résidus médicamenteux sur notre santé, nous nous doutons bien qu’ils ne sont pas bénéfiques.

De simples mesures de bon sens pour rectifier le tir

Quelques initiatives, timides mais prometteuses, tentent de mettre cette problématique sur les devants de la scène médiatique. L’AFSSAPS et l’ANSES ont ouvert à la demande de la Direction Générale de la Santé une campagne d’évaluation des risques sanitaires des résidus de médicaments dans l’eau. S’ils estiment que la faible concentration des résidus constituera un frein aux expériences, les scientifiques qui participent à la campagne restent optimistes.

Notons également la prise de conscience ce certaines entreprises de l’industrie du médicament qui ont mis au point le dispositif Cyclamed pour inciter les consommateurs à rapporter chez le pharmacien les médicaments non utilisés « pour les traiter dans le cadre d’un circuit propre ».

Médecins et patients doivent également jouer leur rôle : les premiers en respectant le principe de la « dose minimum efficace », les seconds en évitant des comportements comme l’automédication. D’un autre côté, les pouvoirs publics doivent actionner des leviers de sanction et d’incitation afin d’augmenter la proportion du biodégradable dans l’industrie.

Enfin, des campagnes de sensibilisation doivent être déployées pour sensibiliser le grand public quant à la dangerosité des déchets des produits cosmétiques et autres articles de toilette, tout en promouvant les produits naturels, moins polluants. L’homéopathie, l’hormonothérapie par des hormones naturelles (voir https://progesterone-naturelle.eu) ou encore la relaxation doivent reprendre leur place dans le paysage médical français pour reléguer les antidépresseurs, les anxiolytiques et les traitements hormonaux lourds aux cas où le médecin n’a pas d’autres choix.